Au cours des dernières années, les sports électroniques sont passés d’une communauté spécifique d’amateurs passionnés de jeux vidéo à une industrie grand public de plusieurs milliards de dollars. On s’attend à ce que le nombre total de spectateurs des sports électroniques atteigne 646 millions de personnes dans le monde entier d’ici 2023, auquel moment le marché pourrait dépasser 1,5 milliard de dollars.
Il s’agit d’un important mouvement mondial, et le Canada a tenu sa place avec plusieurs grands titres au cours des dernières années. En 2017, Équipe Canada s’est classée au deuxième rang de la coupe du monde d’Overwatch. De plus, en 2018, la Canadienne Sasha « Scarlett » Hostyn a remporté une victoire historique au championnat IEM de Pyeongchang, devenant ainsi la première femme à gagner un grand championnat StarCraft II.
Aujourd’hui, plusieurs équipes et organisations canadiennes représentent le Canada sur la scène mondiale. Les Defiant de Toronto et les Titans de Vancouver font partie de l’Overwatch League et leurs entreprises de sports électroniques, respectivement OverActive Media et Luminosity Gaming, sont considérées comme des chefs de file internationales du secteur.
L’industrie investit actuellement des millions de dollars dans des événements, de la publicité et des talents, mais il a fallu beaucoup de travail pour en arriver là. Nous vous proposons d’explorer l’essor des sports électroniques au Canada avec quelques pionniers et experts de l’industrie, pour découvrir ce qui a permis au Canada d’atteindre ce point et ce qui s’en vient.
L’émergence des fondations
Avant même que le terme « sport électronique » n’ait été inventé, Wim Stocks dirigeait le divertissement numérique dans le cadre de ses fonctions de vice-président directeur d’Atari au début des années 2000. Il a ensuite lancé sa propre société d’édition de jeux en ligne, Elephant Entertainment, qui a été acquise par THQ.
En 2010, Virgin Gaming (aujourd’hui WorldGaming) l’a recruté au sein de son équipe de direction supérieure, et en 2016, il a été nommé chef de la direction. Cineplex en a fait l’acquisition en automne 2015, puis ce fut au tour de PlayFly Sports en juillet 2020.
« C’était très nomade. Il n’y avait pas de ligues qui détenaient des franchises dans des villes », a précisé M. Stock au sujet des débuts des sports électroniques canadiens. Il a donné l’exemple de l’équipe Immortals des États-Unis, fondée en 2015, laquelle avait plusieurs équipes travaillant sous sa bannière.
« S’il y avait un tournoi en Allemagne, ils prenaient l’avion pour y aller. Trois semaines plus tard, si un tournoi était annoncé en Pologne, ils reprenaient l’avion pour s’y rendre. Il n’y avait pas de structure de ligue. »
M. Stocks raconte que ce modèle fonctionnait bien pour les amateurs de sports électroniques prêts à voyager pour leurs équipes préférées, mais qu’il ne ressemblait pas aux sports traditionnels, ce qui rendait difficile de séduire le grand public. Ce n’est que lorsque les franchises ont commencé à prendre forme – la première ligue d’Overwatch a été lancée en 2016 – que leur pouvoir d’attraction a commencé à s’étendre.
« Les gens disaient : “D’accord, je vois maintenant, je ne comprends peut-être pas l’Overwatch, mais je vois une structure qui ressemble beaucoup à la LNH ou à la Ligue majeure de baseball” », a confié M. Stocks.
Et le secteur obtient des investissements semblables dans les infrastructures. En février 2021, OverActive Media a annoncé qu’elle construirait à Toronto un centre de sports électroniques de 500 millions de dollars, offrant 7 000 places. Pour son président et chef de la direction, Chris Overholt, il s’agit d’un investissement dans le monde du divertissement à Toronto, offrant plus d’options d’emplacements à réserver pour des événements, par exemple.
« Il y a et il y a toujours eu à Toronto une lacune dans le marché en ce qui a trait à la possibilité d’offrir des spectacles de qualité supérieure dans la ville, a affirmé M. Overholt. Toronto est un excellent marché pour le divertissement, et ce, depuis longtemps. »
Jusqu’à maintenant, Vancouver et Toronto ont ouvert la voie
Étant donné que plusieurs grandes entreprises sont établies à Toronto et à Vancouver, ces villes sont particulièrement présentes sur la scène mondiale des sports électroniques. OverActive Media et Luminosity Gaming sont par exemple toutes deux basées à Toronto. Luminosity Gaming est devenue l’une des plus grandes entreprises de sports électroniques mondialement reconnues et elle a des équipes en compétition dans Call of Duty, Overwatch, Tom Clancy’s Rainbow Six: Siege, Super Smash Bros., Fortnite et Apex Legends. Elle a également conclu des contrats très médiatisés avec des instavidéastes comme Ninja, qui a la chaîne Twitch la plus suivie en ce moment.
«Le secteur des sports électroniques canadiens est très actif entre Vancouver et Toronto. Elles ouvrent la voie à de grandes franchises d’équipes de sports électroniques soutenant maintenant plusieurs équipes », a expliqué M. Stock.
À l’heure actuelle, Vancouver est le seul endroit au Canada à disposer d’une stratégie consacrée aux sports électroniques pour en faire une plaque tournante de ce secteur. Shawn Caldera, stratège des sports électroniques à la Commission économique de Vancouver, a déclaré que Vancouver présente un grand nombre des éléments nécessaires pour être un pôle des sports électroniques.
« Depuis longtemps, Vancouver a tout ce qu’il faut, des éditeurs actifs dans la sphère des sports électroniques aux écoles, collèges et universités locaux qui ont des équipes et des clubs de sports électroniques que l’administration et le corps professoral commencent à remarquer. Nous avons des petites entreprises extraordinaires qui sont des chefs de file révolutionnaires à part entière et dans différents secteurs de l’économie des sports électroniques, qu’il s’agisse de plateformes, de l’organisation de tournois, de production d’événements ou de journalisme », a-t-il affirmé.
M. Caldera a fait remarquer que Vancouver peut utiliser la géographie à son avantage. Il a confié que la Commission travaille en ce moment sur des sujets intéressants « concernant les événements et l’immigration des joueurs après la COVID ».
Défis concernant les infrastructures
Pour que le Canada puisse tirer pleinement parti de ses talents en matière de sports électroniques, il doit investir dans d’autres infrastructures que les sites actuels. M. Caldera a souligné que l’accès équitable à Internet est un besoin, et qu’un investissement à cet égard se traduirait par un soutien d’autres domaines comme l’éducation en ligne.
M. Stock a soutenu qu’en même temps, le Canada a besoin de plus d’« activations » au niveau local, comme dans les sports traditionnels, où les jeunes joueurs peuvent développer leur talent et éventuellement devenir des professionnels. « C’est ce qui manque aux sports électroniques. Même à l’école secondaire, ils n’ont pas de centres qui leur permettent de jouer. Ils assemblent quelques ordinateurs, mais ils n’ont ni le financement, ni le mandat, ni l’infrastructure », a-t-il déploré.
L’écosystème est en train d’émerger et la scène canadienne des sports électroniques a le temps d’élaborer un modèle lucratif qui fonctionne, d’autant plus que les sports électroniques deviennent davantage rattachés aux sports traditionnels. Par exemple, OverActive vient de terminer une campagne de financement de 40 millions de dollars au cours de laquelle les Canadiens de Montréal de la Ligue nationale de hockey et les joueurs de hockey Phil Kessel et Carl Hagelin se sont joints à son groupe de propriétés. Selon M. Overholt, le modèle d’OverActive consiste à acquérir des franchises dès le départ, puis à profiter de la part des revenus qui est au cœur du modèle économique de ces ligues. « Les revenus que ces ligues génèrent grâce aux droits médiatiques, aux partenariats de diffusion, aux partenariats de marketing et aux licences sont la clé de notre modèle d’affaires », a-t-il expliqué.
M. Overholt a suggéré que ce modèle faisait partie du succès d’OverActive. « Nous croyons que la position la plus durable dans les sports électroniques mondiaux d’aujourd’hui consiste à rester dans la croissance des entreprises de ces ligues et d’avoir la possibilité de partager ces revenus. »
Au fur et à mesure que la croissance des sports électroniques continue, le Canada est prêt à en retirer d’importants profits, d’autant plus que les jeux vidéo continuent d’être une source de divertissement de premier plan pour la prochaine génération.
« Il est raisonnable d’imaginer que cette industrie connaîtra une croissance extraordinaire, d’autant plus que les membres des générations Y et Z définissent eux-mêmes leurs choix en matière de sport, de médias et de divertissement », a affirmé M. Overholt.
Contact
Pour en savoir plus sur l’industrie des sports électroniques, communiquez avec Massimo Iamello, Leader régional des services pour les TMT à Montréal au 438.469.4777 ou à l’adresse [email protected].