Très attendu, le budget fédéral de 2022 devait contenir une série de mesures visant à soutenir l’économie et à s’attaquer au déficit, qui s’est creusé pendant la pandémie.
Le logement est l’un des domaines où le gouvernement concentrera ses efforts en 2022. Or, l’immobilier, la construction et le logement comptent parmi les enjeux de politique publique les plus complexes au Canada en ce moment, car les paliers municipal, provincial et fédéral de gouvernement y jouent un rôle.
Le secteur espérait donc des mesures pour améliorer les approvisionnements et freiner la hausse des coûts. Même si de nombreuses mesures positives ont été annoncées, surtout sur le plan de l’habitation, il reste encore beaucoup à faire pour régler les problèmes auxquels les Canadiens font face du côté de l’immobilier et de la construction.
Mesures visant l’impôt des sociétés
La déduction accordée aux petites entreprises fait partie des mesures annoncées visant l’impôt des sociétés. Cette déduction, dont bon nombre d’entreprises canadiennes profitent, a été modifiée afin d’être applicable à des sociétés ayant un plus important capital imposable.
Ce changement avantage les moyennes entreprises, qui pourraient désormais être assujetties à un taux d’imposition moins élevé. Malheureusement, comme le revenu de placement est pris en compte, les entreprises à forte intensité de capital, comme celles des secteurs de l’immobilier, de la construction et de la fabrication, pourraient ne pas bénéficier de ces modifications.
Autre bonne nouvelle, il n’y a eu aucun changement aux règles fiscales introduites par le projet de loi C-208, qui permettent le transfert intergénérationnel d’une entreprise de manière fiscalement avantageuse. Le budget a annoncé une période de consultation au sujet de ce projet de loi, mais le gouvernement a indiqué que la législation demeurerait en vigueur pour les véritables transferts intergénérationnels d’entreprises.
Le budget de 2022 annonce un examen fédéral du logement en tant que catégorie d’investissements pour les sociétés. Les Canadiens qui sont incapables d’accéder à la propriété en raison de la hausse du prix des maisons se tourneront vers les sociétés immobilières pour louer un logement. Le gouvernement essaie de comprendre le rôle de ces sociétés dans le marché de l’habitation, car une impression persiste quant au rôle que jouent les entreprises propriétaires de parcs immobiliers dans l’augmentation du prix des loyers et des maisons. L’avenir nous dira quelles seront les conclusions de cet examen, mais le fait que le gouvernement se penche sur cette question donne à penser que les sociétés immobilières pourraient être pénalisées. Nous allons continuer de surveiller l’évolution de ce dossier et d’en informer nos clients.
Mesures fiscales visant les particuliers
Certaines des mesures fiscales annoncées à l’intention des particuliers vont avantager le secteur de l’immobilier et de la construction.
Le crédit d’impôt pour la rénovation d’habitations multigénérationnelles et le crédit d’impôt pour l’accessibilité domiciliaire servent à compenser en partie le coût des rénovations aux habitations accueillant des aînés et des personnes handicapées. Ces mesures permettront de faire face aux augmentations des coûts et aux dépenses parfois inattendues. Dans le cas des habitations multigénérationnelles, le crédit d’impôt bonifié ne sera peut-être pas accessible immédiatement, car un deuxième logement doit être construit pour en bénéficier et les municipalités devront modifier leurs règles de zonage pour permettre de telles rénovations.
La bonification du crédit d’impôt pour l’achat d’une première habitation et l’introduction d’un compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété aideront les Canadiens à acheter leur première maison. Le plafond à vie des cotisations pour le compte d’épargne sera de 40 000 $. Le plafond annuel sera de 8 000 $. Cette mesure permettra à certains Canadiens d’épargner pendant quelques années en vue d’un premier accès à la propriété. Reste à savoir si elle offrira un soutien suffisant et si elle contribuera à régler le problème d’abordabilité du logement au Canada.
Une mesure visant les gens de métier et les apprentis a aussi été annoncée. Le budget de 2022 reconnaît la pénurie de gens de métier expérimentés et le caractère essentiel de leur travail. Par conséquent, cette main-d’œuvre doit pouvoir se rendre sur son lieu de travail, peu importe où il se situe. Ainsi, une nouvelle mesure fiscale a été introduite qui permettrait de déduire jusqu’à un maximum annuel de 4 000 $ en dépenses de déplacement et de réinstallation admissibles.
Clauses relatives aux biens immobiliers résidentiels
Le budget de 2022 propose d’instaurer une nouvelle règle de présomption afin d’assurer que les profits découlant des dispositions de biens immobiliers résidentiels (y compris un bien de location) détenus depuis moins de 12 mois soient réputés être un revenu tiré d’une entreprise. Cette mesure vise à empêcher les Canadiens qui procèdent à la vente précipitée d’un bien immobilier résidentiel de se soustraire à l’impôt exigible en déclarant leurs profits comme des gains en capital ou en demandant l’exemption pour résidence principale. Des exemptions sont prévues pour des événements de vie précis, comme un décès, une séparation, un changement d’emploi ou un ajout au ménage. Un bien immobilier que l’on détient depuis 12 mois et un jour n’est pas automatiquement admissible au traitement réservé aux gains en capital. Les faits devront tout de même être analysés pour établir si ce traitement est approprié.
Le budget avance une autre mesure pour freiner l’acquisition de biens immobiliers par des étrangers. Elle impose des restrictions qui interdiraient aux entreprises commerciales étrangères et aux particuliers qui ne sont pas citoyens canadiens ou résidents permanents d’acquérir des propriétés résidentielles non récréatives au Canada pour une période de deux ans. Les réfugiés, les étudiants étrangers qui sont en voie d’obtenir la résidence permanente et les titulaires de permis de travail qui résident au Canada seraient exemptés.
Le budget de 2022 propose d’assujettir à la TPS/TVH toute cession d’un contrat de vente d’une habitation résidentielle nouvellement construite ou ayant fait l’objet de rénovations majeures. Le gouvernement lève ainsi l’ambiguïté qui entourait le caractère imposable de ces cessions. L’acquéreur définitif paiera les taxes sur le montant intégral du coût de construction et de la cession du contrat de vente.
Nous avons déjà souligné que la hausse des coûts est l’un des plus importants enjeux avec lesquels le secteur de l’immobilier et de la construction doit composer. Bon nombre des crédits d’impôt décrits précédemment pourraient aider les particuliers à faire face à ces augmentations. Toutefois, ces mesures ne s’attaquent pas à certaines causes de ces augmentations, notamment les fardeaux de l’aménagement immobilier et de la réglementation de même que les problèmes d’approvisionnement.
Le gouvernement est manifestement conscient des enjeux du secteur canadien de l’immobilier et de la construction, mais les solutions à long terme qui permettront à celui-ci de réaliser son potentiel doivent passer par une collaboration entre le fédéral, les provinces, les territoires et les municipalités. Tous les paliers gouvernementaux doivent se serrer les coudes pour établir des politiques visant la construction et la rénovation abordables de logements, afin de favoriser l’accès à la propriété.
Le budget reconnaît que le secteur immobilier est un moteur économique pour le Canada et propose des mesures en ce sens. Reste à savoir si elles seront suffisantes.