En annonçant une « crise du logement » en décembre 2023, le gouvernement du Canada a posé un geste fort. Dans tout le pays, le coût de l’habitat a explosé et s’est imposé comme un sujet majeur de préoccupation, tant pour la population que pour les acteurs de l’industrie et les décideurs politiques à l’échelle municipale, provinciale et fédérale.
Cette crise se traduit par une hausse de l’itinérance et de l’insalubrité des logements ainsi que par un sérieux problème d’abordabilité. Afin de remédier à la situation, le gouvernement fédéral envisage de prendre des mesures draconiennes, inspirées des stratégies adoptées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
Bien que les difficultés actuelles soient comparables à celles de l’époque, les solutions ne peuvent être calquées. En effet, les mécanismes de coordination intergouvernementale sont à la fois plus complexes et plus contraignants. Un plan fédéral ne peut fonctionner que s’il est déployé de concert avec l’ensemble des services municipaux concernés (urbanisme, permis de construction, zonage, etc.). Le plan adopté devra également tenir compte des effets de la crise du logement aussi bien sur les métropoles que sur les collectivités de taille moyenne et les zones rurales.
Dans cet article, nous explorerons les causes de la crise actuelle au Canada, avant d’analyser les défis auxquels se heurtent les municipalités. Enfin, nous présenterons les solutions à court terme dont elles disposent afin de changer la donne.
Pour venir à bout de la situation, il sera essentiel de prendre en considération les particularités de chaque territoire et de privilégier une approche collaborative. Notre objectif est de jeter les bases d’un dialogue constructif, de mettre à profit notre connaissance du terrain et de faire partie intégrante de la solution.
Quelles sont les causes de la crise du logement au Canada?
Pour bon nombre de personnes et de communautés au pays, l’accès à un logement décent et abordable demeure un problème de taille. En effet, plusieurs obstacles se dressent sur leur chemin, notamment les suivants :
- Problèmes d’abordabilité : La montée en flèche des coûts du logement, en particulier dans les centres urbains, a creusé les inégalités. Aujourd’hui, de nombreux Canadiens et Canadiennes, notamment les plus modestes, ont du mal à trouver un logement qui représente moins de 30 % de leur revenu avant impôt.
- Insuffisance de l’offre : La demande de logements abordables dépasse l’offre. La concurrence est donc féroce pour décrocher un logement subventionné ou à loyer modéré, et les listes d’attente s’allongent.
- Inadéquation de l’offre : Les logements répondant à des exigences particulières sur le plan de l’accessibilité ou de la taille, notamment dans le cas de personnes en situation de handicap ou de familles nombreuses, sont rares et souvent onéreux.
- Disparités régionales : Les clivages entre zones urbaines et rurales et les disparités économiques régionales exacerbent la crise du logement. Les villes en particulier sont touchées par de graves pénuries, en raison de la forte demande.
- Obstacles politiques et réglementaires : Les lourdeurs administratives et la complexité des règlements de zonage et de délivrance de permis freinent les projets de construction de logements abordables, d’où des retards et une hausse des coûts.
- Services communautaires insuffisants : Dans les zones où les services essentiels comme la santé, l’éducation et les transports publics font défaut, certaines solutions de logement sont moins viables pour les personnes seules et les familles.
- Itinérance et insalubrité des abris : La question des personnes sans logement demeure prioritaire. En effet, nombreux sont celles et ceux qui ont du mal à trouver un abri, même rudimentaire. Cette situation est le fruit d’une combinaison complexe de facteurs économiques, sociaux et individuels, qui méritent chacun une attention particulière.
- Pressions du marché et spéculation immobilière : Les investissements spéculatifs sur le marché immobilier peuvent faire grimper les prix, et donc empêcher les personnes à faibles revenus et celles voulant accéder à la propriété d’acquérir un logement. Un investissement spéculatif est une opération économique consistant à acheter des actifs, tels que des biens immobiliers, des actions ou des marchandises, dans l’espoir de réaliser un bénéfice grâce à la hausse attendue des prix.
Quelles sont les conséquences de cette crise du logement selon les régions?
Conséquences globales
Au pays, la crise actuelle dépasse les frontières des grandes villes et s’étend à des collectivités de toutes tailles. Par exemple, la hausse de l’itinérance ne touche pas uniquement les métropoles comme Montréal, mais aussi des villes moins peuplées comme Saguenay, au Québec, où vivent environ 148 000 personnes.
La généralisation de ce problème justifie un examen approfondi de ses causes et de ses effets selon les régions.
Milieux urbains
Les grandes villes canadiennes comme Montréal, Toronto, Vancouver, Calgary et Halifax sont aux prises avec des difficultés qui leur sont propres.
- Contraintes spatiales : Dans les zones densément peuplées, la rareté des terrains constructibles amplifie la crise. C’est notamment le cas à Vancouver, Toronto et Halifax où les réponses classiques à la pénurie de logements sont difficilement applicables. À l’inverse, tout l’enjeu pour Calgary est de parvenir à trouver l’équilibre délicat entre développement urbain et étalement excessif.
- Problèmes d’abordabilité : La forte demande de logements, associée à l’insuffisance de l’offre, contribue à la flambée des prix de l’immobilier. La population a donc de plus en plus de mal à se loger à un tarif abordable. Il est impératif d’explorer des stratégies innovantes, afin d’y remédier.
- Pression sur les infrastructures : Les systèmes vieillissants, tels que les réseaux de transport et les services publics, peinent à suivre le rythme soutenu de l’urbanisation. Il faut de toute urgence s’attaquer à ces problématiques, en vue de garantir un développement urbain durable et une bonne qualité de vie à la population.
- Disparités économiques : Les zones urbaines continuent d’attirer des ménages au profil varié. Afin de garantir un accès équitable au logement, il est donc nécessaire d’adapter les solutions proposées à tous les niveaux de revenus. C’est ainsi qu’on parviendra à bâtir des aires urbaines inclusives.
Collectivités de taille moyenne
Au Canada, les collectivités de taille moyenne peuvent avoir des profils extrêmement variés. La classification en place s’appuie toutefois sur des critères précis, notamment d’ordres démographique et économique. Les villes de Red Deer (Alberta), de Saskatoon (Saskatchewan), de London (Ontario), de Kelowna (Colombie-Britannique), de Trois-Rivières (Québec) et de Saint-Jean de Terre-Neuve (Terre-Neuve-et-Labrador) figurent notamment dans cette catégorie. Comme les grandes villes, les collectivités de taille moyenne présentent des défis uniques en matière de logement.
- Problèmes d’abordabilité : Les problèmes d’abordabilité concernent aussi les collectivités de taille moyenne. La demande étant souvent supérieure à l’offre, les prix de l’immobilier augmentent. Ce phénomène ne constitue pas seulement un obstacle pour la population, mais aussi pour les nouveaux arrivants potentiels.
- Manque de diversité de l’offre : L’uniformité des types et des styles de logements freine l’accueil d’une population diversifiée aux préférences et aux besoins variés.
- Inadéquation des infrastructures : Vieillissement des infrastructures et croissance de la population font mauvais ménage et peuvent engendrer de nombreux problèmes (insuffisance des aménagements urbains, difficultés de circulation, tensions dans les services publics, etc.).
- Incidence sur le développement économique : La corrélation entre logement et développement économique est extrêmement forte au sein des collectivités de taille moyenne. Tandis que beaucoup d’entre elles s’efforcent de croître en attirant des entreprises et des industries, leur marché immobilier a tendance à se tendre. L’inadéquation entre emplois et logements disponibles peut ainsi déséquilibrer l’économie locale.
Zones rurales
Les conséquences de la crise du logement se manifestent aussi de manière distincte dans les zones rurales.
- Effet domino : Les collectivités rurales s’inquiètent des effets indirects de la crise du logement dans les centres urbains. En effet, à mesure que les villes gagnent du terrain, la demande de logements s’étend aux campagnes environnantes. Ce phénomène occasionne une pression sur les ressources existantes et une hausse des prix de l’immobilier. Il s’agit donc d’adopter une approche nuancée afin de parvenir à un équilibre entre dynamiques urbaines et rurales.
- Préservation des surfaces agricoles : Il existe une relation complexe entre agriculture et logement. Dans les zones rurales, il est capital de disposer d’habitations à proximité des exploitations agricoles. L’enjeu consiste à trouver le juste milieu entre confort de vie de la main-d’œuvre et préservation des surfaces cultivables.
- Émergence de nouveaux secteurs d’activité et manque de logements : De nouveaux secteurs d’activité font leur apparition dans les zones rurales. C’est notamment le cas à Bragg Creek, en Alberta, où l’industrie touristique connaît un véritable essor. Cette tendance positive s’accompagne toutefois de défis inédits. En effet, l’offre de logements est souvent insuffisante pour répondre aux besoins de la main-d’œuvre amenée à déménager sur place. Remédier à cette lacune devient crucial pour soutenir les économies rurales émergentes et en maximiser les avantages.
- Enjeux de durabilité : Les questions du logement en zones rurales et du développement durable vont de pair. Il est entre autres essentiel que la croissance économique ne se fasse pas au détriment du caractère unique des milieux ruraux. C’est pourquoi les solutions proposées doivent cadrer avec les valeurs et les besoins à long terme de la population locale.
Municipalités : quelles stratégies adopter à court terme?
Quelques idées applicables dès maintenant
Pour aborder efficacement la problématique complexe du logement, il est nécessaire d’adopter une approche polyvalente et de comprendre que la solution miracle n’existe pas. Les municipalités peuvent cependant mettre en œuvre des stratégies à court terme, qui leur permettront d’engager un changement positif. MNP se tient à leur entière disposition afin de les aider à concevoir et à déployer ces stratégies.
Certes, il faudra bien plus que quelques changements rapides de politiques pour venir à bout de la crise actuelle. Toutefois, plusieurs solutions peuvent être mises en place sans attendre pour favoriser des changements tangibles.
Adoption d’une orientation stratégique bien définie
Chaque municipalité se doit de définir dans les meilleurs délais une stratégie claire visant à orienter ses initiatives touchant le logement. Il s’agit notamment d’élaborer une approche globale qui s’attaque aux problèmes d’abordabilité et fixe des échéances et des objectifs précis.
Les municipalités disposeront alors d’une feuille de route, qui leur permettra d’adopter une démarche ciblée et axée sur les résultats pour répondre aux besoins immédiats de la population.
Notre expertise de la planification stratégique nous permet d’aider les municipalités à définir et à mettre en œuvre une orientation stratégique efficace. Cette étroite collaboration favorisera des améliorations concrètes et mesurables.
Les codes du bâtiment de beaucoup de petites et moyennes municipalités canadiennes sont encore présentés dans des formats obsolètes (fichiers PDF, documents papier…).
Dans le cadre de leur stratégie de transformation à court terme, les collectivités doivent se mettre à l’heure du numérique et créer une ressource en ligne facilement accessible. Une fois toute l’information centralisée sur une plateforme Web interactive, les parties prenantes pourront obtenir les données utiles en temps réel, à chaque étape du processus de construction.
Cette initiative permettra non seulement d’améliorer l’efficacité des démarches, mais aussi de favoriser l’innovation grâce à l’adoption de technologies nouvelles telles que l’intelligence artificielle.
Il s’agit de rationaliser le processus d’approbation et de créer un environnement réglementaire plus souple et plus réactif qui permettra d’accélérer les projets de construction.
Réforme des procédures d’urbanisme, de délivrance de permis de construction et de prestation de services
Les municipalités peuvent lancer à court terme une réforme de leurs procédures d’urbanisme et de délivrance de permis de construction, en vue d’alléger le fardeau administratif.
La simplification et l’accélération des processus d’approbation permettront aux collectivités locales de croître plus rapidement sans pour autant compromettre la sécurité ou la qualité.
Il est essentiel que les municipalités collaborent avec les parties prenantes, notamment les constructeurs, les architectes et les représentants communautaires, afin de repérer les points à améliorer et de mettre en œuvre des réformes pragmatiques. Ces changements immédiats contribueront à créer un environnement réglementaire plus réactif et plus favorable aux entreprises.
Incitations fiscales et financières
Les collectivités locales peuvent articuler leur stratégie à court terme autour de mesures d’incitation fiscale et financière en vue stimuler la construction de logements. Il est préférable de les intégrer dans les orientations stratégiques et le plan d’améliorations communautaires de la municipalité.
En offrant des allègements fiscaux ciblés aux promoteurs et en explorant les mécanismes d’incitation financière à leur disposition, elles se donnent les moyens d’encourager l’investissement privé.
Ces mesures à court terme permettront non seulement de répondre aux besoins immédiats de la population, mais aussi de jeter les bases d’un développement communautaire à long terme. Afin de privilégier une approche stratégique et efficace, il est important d’harmoniser les dispositifs d’incitation mis en œuvre avec les objectifs précis de la municipalité en matière de logement.
Amélioration des modèles de prestation de services et d’élaboration de programmes
Les municipalités peuvent travailler à l’amélioration de leurs modèles de prestation de services et d’élaboration de programmes pour répondre aux besoins urgents de la population en matière de logement.
Il s’agit de collaborer avec des organismes communautaires, des organisations sans but lucratif et des partenaires du secteur privé, en vue de créer des programmes novateurs qui apportent des solutions concrètes à la crise actuelle.
Que ce soit grâce à l’instauration d’un programme de subvention pour le loyer, d’une fiducie foncière collective ou de partenariats public-privé, les municipalités peuvent diversifier leur approche afin d’apporter une réponse plus complète et plus inclusive.
Notre expertise de l’élaboration de programmes nous permet d’aider les collectivités locales à concevoir et à mettre en œuvre des stratégies efficaces, adaptées aux défis et aux objectifs qui leur sont propres.
Commencez par mieux cerner votre situation
Les municipalités sont aux prises avec des défis complexes sur le plan du logement, et il n’existe pas de solution unique pour y répondre.
En effet, chaque collectivité vit une réalité différente. Il devient donc nécessaire d’adopter une approche personnalisée plus cohérente qui tient compte de ce contexte, des attentes de la population et des infrastructures existantes.
Conscients de l’existence d’interactions complexes entre facteurs économiques, sociaux et réglementaires, nous savons combien il est important de concevoir une stratégie globale qui répond aux besoins précis de chaque collectivité.
Nous avons à cœur d’aider les municipalités à élaborer et à mettre en œuvre des solutions nuancées qui correspondent à leurs orientations stratégiques et à leur situation particulière.