De nos jours, les employeurs ont du mal à attirer et à retenir une main-d’œuvre qualifiée, qui se fait rare. Les concessionnaires ne font pas exception. Ils doivent donc se démarquer par leurs propositions salariales et leurs structures de rémunération.
Souvent, des employés essentiels demandent à être payés en tant que sous-traitants indépendants plutôt qu’à titre de salariés, que ce soit comme particulier ou par l’intermédiaire de leur propre société. Ainsi, ils obtiennent un report d’impôt et peuvent bénéficier des taux d’imposition plus faibles des petites entreprises ou payer moins d’impôt des particuliers. Cependant, cette façon de faire comporte souvent des risques importants, tant pour le concessionnaire que pour le sous-traitant potentiel.
Rétribution d’un particulier à titre de sous-traitant indépendant
Les concessionnaires doivent connaître les risques considérables découlant de la rémunération d’un particulier à titre de sous-traitant indépendant. Si l’Agence du revenu du Canada (ARC) considère que le particulier aurait dû entrer dans la catégorie des salariés, elle peut produire un avis de nouvelle cotisation pour toutes les retenues à la source non déclarées par l’employeur au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) et de l’assurance-emploi (AE), en plus d’imposer des intérêts et des pénalités notables.
Rétribution d’un sous-traitant constitué en société
Un particulier peut aussi demander à un concessionnaire d’être rémunéré à titre de sous-traitant par l’intermédiaire de sa propre société. On pourrait penser que cette structure a l’avantage de contourner les obstacles mentionnés précédemment, mais elle expose le concessionnaire et, surtout, le particulier à des risques tout aussi importants si l’ARC considère la société comme une entreprise de prestation de services personnels (EPSP).
Les EPSP ne sont pas admissibles au taux préférentiel d’imposition des petites entreprises. Elles sont plutôt imposées au taux fédéral des sociétés le plus élevé (33 %), en plus du taux d’imposition provincial applicable. Le plus souvent, l’impôt à payer sera supérieur à ce qu’il aurait été si l’employé avait gagné son revenu en tant que salarié du concessionnaire. De plus, les dépenses pouvant être déduites par une EPSP aux fins de l’impôt se limitent à une courte liste, qui comprend entre autres les frais de repas et de déplacement ainsi que les salaires versés au particulier offrant les services (le particulier constitué en société).
Une société ne sera pas considérée comme une EPSP si elle emploie plus de cinq personnes à temps plein, un critère difficile à remplir, puisque ces sociétés ne comptent habituellement qu’un seul employé. Si la société compte tout au plus cinq employés, les réponses du particulier aux quatre questions ci-après doivent alors confirmer qu’il joue auprès du concessionnaire un rôle de sous-traitant indépendant, et non de salarié.
- Contrôle— Dans quelle mesure le travail est-il dirigé par l’entreprise ou l’exploitant? Un sous-traitant a vraisemblablement plus de contrôle sur son travail qu’un employé.
- Perspectives de bénéfices ou risque de perte— L’entreprise a-t-elle la capacité d’augmenter son revenu ou est-elle exposée à un risque de perte financière? Un employé n’a pas le contrôle sur son revenu et n’est pas exposé au risque de perte de profit, puisqu’il touche un salaire fixe, alors qu’un sous-traitant peut augmenter son revenu par des gains d’efficience et fait face à un risque de perte financière.
- Propriété de l’outillage— L’entreprise fournit-elle les outils nécessaires à la réalisation des contrats? Un employeur a normalement la responsabilité de fournir des outils à ses employés, mais pas à un sous-traitant indépendant, qui possède les siens.
- Intégration— Est-ce que l’entreprise ou l’exploitant fait partie intégrante de la société payante? Un employé est intégré aux activités de son employeur, tandis qu’un sous-traitant indépendant ne l’est pas.
Du point de vue de l’employeur
D’ordinaire, il est préférable pour l’employeur de rémunérer à titre de sous-traitants des particuliers qui sont constitués en société. Certains aspects négatifs doivent toutefois être pris en compte. Vous trouverez ci-dessous une liste des avantages et inconvénients potentiels qu’un employeur se devrait de connaître s’il envisage de rétribuer un particulier par l’intermédiaire de sa société.
Avantages :
- L’employeur n’a plus à effectuer des retenues sur le salaire de cette personne, donc n’est plus tenu de cotiser à l’AE ou au RPC.
- Si le particulier n’est plus considéré comme un employé, l’employeur n’a généralement pas à lui offrir un régime de retraite ou d’assurance maladie, ni à lui payer des vacances, des jours fériés et une indemnité de départ.
- D’habitude, tant que l’employeur et le particulier constitué en société sont liés par un accord contractuel, l’ARC ne refuse pas les charges de sous-traitance engagées par l’employeur et ne lui impose pas de pénalités pour manquement à l’obligation de verser des retenues à la source.
Inconvénients :
- En 2020, la Cour supérieure de l’Ontario a ordonné le versement d’une somme de cinq millions de dollars à un particulier ayant intenté une action collective contre un concessionnaire. Cette somme visait à dédommager le particulier pour des avantages sociaux impayés auxquels il estimait avoir droit, bien qu’il fut rémunéré à titre de sous-traitant indépendant. La Cour a maintenu que même s’il n’était pas considéré comme un employé, il aurait dû avoir droit aux mêmes avantages étant donné la nature du travail réalisé.
- La réputation d’un concessionnaire pourrait être entachée s’il semble avoir forcé un employé à devenir un sous-traitant indépendant pour éviter de payer des avantages sociaux.
Du point de vue de l’employé
Un employé qui reçoit une rétribution par l’intermédiaire d’une société plutôt qu’à titre d’employé s’expose à des risques importants. Même s’il croit être un sous-traitant indépendant selon les réponses aux quatre questions ci-dessus, une vérification par l’ARC pourrait mener à une conclusion différente. Voici la liste des avantages et inconvénients potentiels qu’un employé devrait prendre en compte dans sa décision de se constituer en société ou non.
Avantages :
- Si le particulier croit pouvoir justifier le fait que sa société n’est pas une EPSP et qu’il produit sa déclaration en tant que petite entreprise, il pourrait être admissible au taux d’imposition des petites entreprises.
- La société recevrait le salaire brut du particulier et n’aurait aucune retenue à la source ni retenue d’impôt à faire, donc celui-ci toucherait un revenu initial plus élevé.
Inconvénients :
- Si le particulier ne produit pas sa déclaration en tant qu’EPSP et que l’ARC établit un avis de nouvelle cotisation, la société devra payer de l’impôt additionnel (avec intérêts), et peut-être même des pénalités pour faute lourde.
- S’il produit une déclaration d’EPSP, la société sera assujettie à un taux d’imposition élevé, ou le particulier devra se verser un salaire pour ramener son revenu imposable à 0 $. D’une façon ou d’une autre, le particulier payera autant ou plus d’impôt qu’il ne l’aurait fait en tant qu’employé. La société devra aussi verser la portion de l’employeur au RPC sur tout salaire versé, ce qui s’ajoute au total des coûts.
- La constitution et le maintien d’une société entraînent des coûts supplémentaires qu’un employé n’a pas à assumer (p. ex., frais d’inscription au registre des entreprises, assurance commerciale, achat et entretien du matériel et production des déclarations de revenus des sociétés).
- Le particulier ne pourra pas profiter des avantages d’un employé, comme un régime d’assurance maladie, un régime de retraite collectif ou des vacances rémunérées. De plus, il ne sera plus protégé à titre d’employé en vertu de la loi sur les normes d’emploi de sa province.
Lorsqu’un particulier a été employé pendant un certain temps puis décide de se constituer en société, il y a un risque élevé que l’ARC établisse un avis de nouvelle cotisation pour traiter la société comme une EPSP. À moins que la nature des tâches du particulier et de sa relation avec l’employeur n’ait considérable changé, il est probable que l’ARC le considère toujours comme un employé plutôt que comme un sous-traitant indépendant.
Par conséquent, on ne recommande généralement pas à un employé de se constituer en société en raison des risques et des taux d’imposition punitifs applicables si l’ARC considère la société comme une EPSP.
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