Marquée par la hausse des taux d’intérêt, la stagnation de l’économie, des changements majeurs aux règles fiscales visant les sociétés de services professionnels et des pressions accrues sur les revenus, l’année 2018 n’a été qu’un autre creux dans une suite d’années pénibles pour les cabinets dentaires au Canada. Aucun autre événement ne reflète aussi bien la tension croissante du marché que la mise sous séquestre inopinée de la société de personnes Core Dental le 21 décembre dernier, à Edmonton, en Alberta.
La fermeture subite d’un certain nombre de cliniques a surpris autant les membres du personnel que les patients et les médias, et beaucoup ont fait le rapprochement entre le sort de Core Dental et l’introduction, en janvier 2018, du nouveau guide provincial des frais dentaires de l’Alberta. Or, si l’on tient compte des dettes dépassant les 9 M$ et de plusieurs autres difficultés opérationnelles ayant été relevées, la question des prix n’est qu’une intrigue secondaire dans une histoire bien plus complexe.
Le vent tourne
Actuellement, les propriétaires de cabinets font face à plusieurs vents contraires qui freinent la rentabilité. Les coûts de financement des biens immobiliers et du matériel ne cessent de grimper. Le marché est hautement saturé. Les coûts de la main-d’œuvre et du matériel augmentent toujours. Les patients, déjà aux prises avec des dettes et un taux de chômage élevés, doivent eux aussi se serrer la ceinture.
Ces facteurs concomitants s’accentuent maintenant que les cabinets sont assujettis à des restrictions, notamment au titre des frais de service.
Comme dans toute entreprise, la rentabilité des cabinets dentaires repose sur une planification d’affaires judicieuse, une gestion financière robuste et un service à la clientèle hors pair. Si les propriétaires de cabinets pouvaient autrefois reléguer au second plan toute réflexion stratégique, ils doivent maintenant se rendre à l’évidence : cette approche n’est plus viable.
L’idée ici n’est pas de prétendre qu’il est impossible d’exploiter un cabinet dentaire efficient et rentable au Canada. Bien au contraire. Cependant, les cabinets dentaires devront désormais mener des activités moins coûteuses, plus efficaces et davantage centrées sur le client.
Gérer les coûts de prospection de clients
Il semble logique qu’une clientèle plus nombreuse se traduira par des revenus plus élevés, mais les propriétaires de cabinets dentaires doivent déterminer si les bénéfices valent l’investissement. Les frais de promotion, comme ceux liés aux services-conseils en marketing, aux campagnes publicitaires et aux programmes incitatifs sont onéreux et peuvent rapidement éroder les marges de profits.
Le meilleur moyen d’éviter cet obstacle éventuel est d’évaluer si le cabinet fait le nécessaire pour stimuler et maximiser la rentabilité de ses patients existants.
Puisque ces patients sont déjà acquis, le temps, les efforts ainsi que l’argent investis pour les cibler et les retenir s’en trouvent réduits. De plus, comme le cabinet dispose déjà d’un dossier détaillé sur l’historique dentaire de chacun d’eux, il est plus facile de leur offrir des services personnalisés à valeur ajoutée qui profitent aux deux parties.
Les propriétaires peuvent aussi mettre en place un système de gestion des relations avec la clientèle afin de bien comprendre les coûts associés à la rétention, à la perte et à la prospection de patients, tout en misant sur les clients existants et fidèles pour en attirer de nouveaux sans coût ou presque.
À titre d’exemple, un cabinet pourrait favoriser le bouche-à-oreille en tissant des liens étroits avec les 5 % de ses patients qui ont le plus d’influence dans leur collectivité, qui se présentent assidûment aux rendez-vous et qui règlent leurs factures à temps. En prenant aussi peu que dix heures par année pour appeler les clients et leur envoyer des courriels et des cartes personnalisés, les propriétaires pourraient réduire considérablement les coûts de prospection et accroître sensiblement le nombre de patients potentiels intéressés.
Optimiser la performance opérationnelle
L’adage voulant qu’en affaires, « ce qui est mesuré est fait » n’a jamais été aussi vrai. Bien entendu, les coûts et les revenus sont des mesures critiques, mais les cabinets sont trop souvent obnubilés par ces chiffres, au détriment des autres mesures opérationnelles.
Le bilan fait état de la performance de l’entreprise, mais rarement explique-t-il les raisons qui font que l’entreprise a le vent dans les voiles ou bat de l’aile. Les propriétaires doivent également déterminer les indicateurs de rendement clés qui représentent le mieux les priorités stratégiques de leur cabinet.
Combien de rendez-vous sont pris au cabinet chaque mois? Combien de clients reportent ou annulent leur rendez-vous? Qu’est-ce que les clients aiment ou n’aiment pas du cabinet? Quelles sont les chances qu’ils recommandent votre cabinet à un membre de la famille, à un ami ou à un collègue?
La mise en place d’un système de collecte et d’analyse de ce type de données offrira un solide rendement sur investissement, sans toutefois entraîner des coûts exorbitants : une feuille de calcul et un sondage suffisent dans bien des cas. Les informations ainsi recueillies indiqueront aux propriétaires les mesures à prendre pour améliorer la fidélité et la rétention des patients. Elles peuvent servir également à rectifier le tir pour les facteurs qui nuisent à la performance.
L’optimisation a l’avantage de donner aux cabinets une bonne longueur d’avance sur le marché. Comment? En mettant l’accent sur ce qui compte le plus aux yeux des clients.
Faire tomber les barrières
Nous sommes tous parfaitement conscients de l’importance d’une bonne hygiène dentaire et des conséquences possibles si nous négligeons d’aller chez le dentiste régulièrement. Pourtant, les cabinets peinent toujours à convaincre leurs patients de prendre un rendez-vous au moins deux fois l’an. Pourquoi?
Une explication possible est qu’aller chez le dentiste prend du temps, coûte cher et est peu commode. Il faut parfois s’absenter du travail plusieurs heures, voire toute une journée. Il est difficile de prévoir les conflits possibles avec son horaire personnel et professionnel lorsqu’on fixe un rendez-vous plusieurs mois d’avance. De plus, les patients ont rarement le luxe de choisir la date et l’heure de rendez-vous qui leur conviennent le mieux.
Grâce au large éventail de logiciels d’automatisation des services aux clients offerts aujourd’hui, on peut surmonter bon nombre de ces obstacles. Les fonctions de réservation en ligne et de clavardage permettent aux clients de consulter les disponibilités sur le site Web du cabinet et de choisir différentes dates et heures selon leurs préférences. De plus, ces systèmes sont capables d’envoyer des courriels ou des textos de rappel aux clients plusieurs jours avant le rendez-vous. Si un client souhaite reporter un rendez-vous, il lui suffit d’ouvrir une session sur le site Web (ou l’application) du cabinet et de sélectionner rapidement une nouvelle plage horaire, lui épargnant ainsi un appel ennuyant qui fait perdre du temps.
Le cabinet, lui, diminue ses frais généraux et administratifs liés à la prise et aux reports de rendez-vous ainsi qu’aux appels de suivi. Qui plus est, il a été prouvé que ces systèmes renforcent la responsabilisation et l’engagement du patient, en plus d’accroître la clientèle existante. Pour les patients existants et potentiels, la réduction des entraves et la convivialité des services sont des aspects attrayants et constituent une stratégie de bouche-à-oreille efficace.
Regard tourné vers l’avenir
Core Dental a sans doute été le cas d’insolvabilité le plus marquant de 2018 au pays dans le domaine dentaire, mais il n’a pas été le seul et ne sera assurément pas le dernier. Cependant, le sort d’une entreprise ne saurait augurer celui d’un secteur tout entier. Les propriétaires prudents y verront une mise en garde contre les dettes trop élevées, les marges trop serrées et l’absence de pratiques commerciales efficaces et stratégiques.
Au Canada, la santé est une priorité, et les Canadiens se soucieront toujours de leur santé dentaire. Les occasions de prospérer dans ce secteur existent encore, partout au pays. Pour ce faire, les cabinets devront toutefois trouver de meilleures idées pour fidéliser les clients et hausser la fréquence des visites.
Tim Dawson, CPA, CA, est associé au sein des Services aux professionnels de MNP à Edmonton. Pour en savoir plus, communiquez avec un conseiller du bureau de MNP de votre région.