Le 19 avril 2021, le gouvernement fédéral a déposé un budget – son premier en plus de deux ans – proposant de nombre de mesures de soutien aux entreprises et aux particuliers dans le contexte de la pandémie et de la relance qui s’ensuit.
Un nombre important de mesures fiscales y sont annoncées, notamment certains éléments dignes de mention sur la fiscalité internationale. On s’attend à ce que les mesures proposées à ce chapitre, qui apportent des précisions sur des éléments annoncés antérieurement, viennent augmenter les revenus du gouvernement fédéral. Une analyse détaillée de ces mesures sera préparée après le dépôt du projet de loi, probablement dans le courant de l’été.
Taxe nationale sur les biens immobiliers résidentiels détenus par des non-résidents
Le budget de 2021 propose une taxe fédérale de 1 % sur la valeur de certains biens immobiliers canadiens détenus par des non-résidents, avec prise d’effet en 2022. La taxe s’appliquerait aux biens immobiliers détenus par des étrangers non résidents et qui sont considérés comme vacants ou sous-utilisés.
Dans les mois à venir, le gouvernement publiera un document d’information et lancera des consultations afin de recueillir des commentaires sur le champ d’application de la taxe, y compris pour déterminer si des règles spéciales devraient s’appliquer aux collectivités dont l’économie est fondée sur le tourisme. Il est probable qu’une déclaration annuelle soit exigée des non-résidents susceptibles d’être assujettis à la taxe.
Mesures fiscales visant les entreprises et cadre international de déclaration du BEPS
Si vous avez suivi le Plan d’action concernant l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices (BEPS)[1] depuis sa première publication par l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) en 2013 et êtes au fait de ses répercussions possibles sur le régime fiscal canadien, le volet du budget de 2021 sur la fiscalité internationale ne vous surprendra pas. Les limites qu’il est proposé d’appliquer à la déductibilité des intérêts cadrent avec les recommandations de l’OCDE de 2015 contenues dans l’action 4 du projet BEPS, et les mesures proposées à l’égard des dispositifs hybrides suivent les recommandations de l’action 2 du projet BEPS.
Le budget de 2021 ne contient aucun projet de loi pour l’une ou l’autre des mesures proposées; le gouvernement a annoncé que de tels projets pourraient voir le jour à l’été 2021.
Limites des intérêts déductibles
Le budget de 2021 propose d’ajouter d’autres limites aux déductions d’intérêts pour les sociétés, les sociétés de personnes, les fiducies et les filiales canadiennes de contribuables non résidents. Selon la mesure proposée, les intérêts déductibles sont limités à un ratio fixe du BAIIDA fiscal. Aucun calcul détaillé du BAIIDA fiscal n’a été fourni dans le budget de 2021, mais il correspond d’ordinaire au revenu imposable (exclusion faite du revenu de dividende et des produits d’intérêts déductibles), avant les intérêts, les impôts et les amortissements.
Le ratio fixe au titre de la limite de déduction des intérêts est de 40 % pour les années d’imposition ouvertes à compter du 1er janvier 2023, et de 30 % pour les années d’imposition ouvertes à compter du 1er janvier 2024. Il ne semble pas y avoir de droit acquis pour les dettes existantes. Le budget propose une règle de « ratio du groupe » afin de permettre au contribuable de déduire les intérêts excédant le ratio fixe lorsque le ratio des intérêts nets payés à des tiers au BAIIDA comptable du groupe consolidé est supérieur au ratio fixe.
La charge d’intérêts refusée pourra être reportée prospectivement jusqu’à vingt ans ou rétrospectivement jusqu’à trois ans à des années d’imposition dont la charge d’intérêts était inférieure au ratio fixe. Certaines sociétés privées sous contrôle canadien (SPCC) ayant une charge d’intérêts annuelle de moins de 250 000 $, ou les SPCC qui, avec toutes sociétés associées, ont un capital imposable inférieur à 15 millions de dollars, seront exemptées de ces règles.
Les contribuables devront évaluer l’efficience fiscale de leur structure de capital en tenant compte des limites qui pourraient s’appliquer aux charges d’intérêts.
Dispositifs hybrides
Les dispositifs hybrides sont des transactions ou des instruments qui sont définis de manière différente selon les lois fiscales de chaque pays. Ces dispositifs existent, puisqu’il est généralement improbable que les lois fiscales d’un pays donné soient identiques à celles d’un autre pays. Ils fournissent donc aux multinationales un moyen de réduire l’assiette fiscale dans un pays étranger. Un bon exemple serait un instrument financier qui entraîne une charge déductible pour un contribuable dans un pays, mais qui est considéré comme un élément de revenu non imposable dans un autre pays.
Le budget de 2021 semble suivre les recommandations de l’action 2 du Plan d’action concernant le BEPS, à savoir que les pays devraient adopter des règles visant à éliminer les avantages fiscaux que procurent les dispositifs hybrides. Le gouvernement a classé les transactions faisant appel aux dispositifs hybrides en trois catégories :
- Les paiements transfrontaliers qui donnent lieu à des déductions dans un pays, mais qui ne sont pas inclus à titre de revenu dans un autre pays.
- Les déductions demandées dans plus d’un pays pour la même dépense.
- Les asymétries faisant intervenir trois pays selon lesquelles l’inclusion du revenu initial dans le deuxième pays est contrebalancée par un dispositif hybride qui intègre un troisième pays.
- Les asymétries qui utilisent des filiales et qui exploitent les divergences de vues entre le pays de résidence et celui où se trouve la filiale quant au lieu où se trouve cette dernière aux fins d’attribution du revenu et des dépenses entre les deux pays.
Le gouvernement entend réglementer les transactions qui entrent dans la première catégorie au moyen d’un projet de loi qui sera déposé cet été (entrée en vigueur prévue pour juillet 2022). Les transactions faisant appel à des dispositifs hybrides qui entrent dans les autres catégories feront l’objet d’un projet de loi distinct.
Mesures proposées visant les prix de transfert
Le budget de 2021 propose de publier un document de consultation sur les modifications apportées aux règles canadiennes sur les prix de transfert. Cette initiative a pour but de corriger les lacunes relevées par le gouvernement dans les règles sur les prix de transfert actuelles, lesquelles encouragent « le déplacement inapproprié du revenu des sociétés à l’extérieur du Canada, ce qui réduit artificiellement l’impôt des sociétés dû au Canada » et « représente un risque pour l’intégrité du régime d’impôt sur le revenu des sociétés du Canada. » Elle est généralement perçue comme une réponse à la décision de la Cour suprême du Canada de ne pas entendre l’appel de la décision unanime de la Cour d’appel fédérale rendue à l’encontre du gouvernement dans l’affaire La Reine c. Corporation Cameco.
Selon un document situant le contexte de l’affaire, Cameco a créé une filiale suisse pour acheter de l’uranium russe aux fins de revente à des tiers, et pour acheter de l’uranium aux fins de revente par Cameco. La Couronne n’est pas parvenue à fournir des arguments valables pour soutenir que les contrats et les ententes à long terme sur les prix de l’uranium conclus entre Cameco et ses filiales étrangères ne respectaient pas la norme de la pleine concurrence, et que les redressements en fonction du prix de transfert visaient à attribuer davantage de revenus au Canada. Selon les constatations de la Cour canadienne de l’impôt et de la Cour d’appel fédérale, qui étaient en faveur du contribuable, quand les contrats et les ententes d’uranium sont entrés en vigueur, le prix de l’uranium était bas et les prix de transfert prévus dans les contrats étaient dans la fourchette de la pleine concurrence.
Le budget de 2021 propose également d’aller de l’avant avec les modifications proposées aux règles sur les prix de transfert publiées en 2019 afin de les appliquer en priorité par rapport à toutes les autres dispositions de la Loi.
Pour obtenir de plus amples renseignements, communiquez avec un conseiller en fiscalité internationale de votre région.
[1]Le projet BEPS contient 15 actions précises que les pays de partout dans le monde (tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du G20), individuellement et collectivement, peuvent mettre en œuvre pour contrer les stratégies de fiscalité transfrontalière visant à profiter des politiques fiscales d’un pays en augmentant les déductions d’impôt dans un territoire donné, tout en créant des revenus imposables dans d’autres territoires où les taux d’imposition sont faibles.