Partie deux : Entreprises en démarrage et acquisitions
Deux choix s’offrent au pharmacien qui aspire à la propriété : lancer son propre établissement ou acquérir une pharmacie. Cet article survole les arguments à soupeser dans l’une et l’autre de ces options.
Démarrer une pharmacie à partir de rien
La partie 1 de cette série traite de l’importance du plan d’affaires pour démontrer la viabilité de l’entreprise. En préparant votre plan, vous devrez vous attarder à quelques éléments qui aideront votre entreprise à décoller :
- Analyse du marchés
Votre entreprise n’ayant pas encore vu le jour, vous n’avez pas de chiffres d’affaires ou de flux de trésorerie sur lesquels vous appuyer. Vous avez besoin de données pour prévoir les scénarios possibles si vous démarrez une pharmacie là où il n’y en avait pas auparavant, plus précisément : - la démographie du secteur;
- la concurrence;
- les caractéristiques de l’emplacement (circulation, voies d’accès, etc.);
- la proximité de médecins prescripteurs.
- Analyse de rentabilité
Maintenant que vous en savez plus sur votre marché, vous devrez établir les volumes minimaux nécessaires (dans le magasin et au comptoir) pour rentabiliser ce projet. L’idée est d’en faire le plus possible en amont pour mettre toutes les chances de votre côté.
Acquisition d’une pharmacie
- Information sur le marché
- Évaluation de l’acquisition
- Gestion de la transaction
Information sur le marché
Il y a beaucoup à penser lorsqu’on souhaite acquérir une pharmacie déjà établie. L’une des premières choses à faire est de sonder le marché en profondeur – quelle est la réalité sur ce marché?
Normalement, on n’a que peu de renseignements pendant les premières étapes du processus; les détails viennent plus tard. Votre évaluation initiale devrait reposer sur un vaste éventail de facteurs et comprendre une évaluation préliminaire des facteurs de risque et de succès, dont :
- les capacités et le degré d’engagement du propriétaire actuel;
- les diverses sources de revenus, leur importance pour le fonctionnement et les tendances et risques s’y rapportant;
- le réseau de médecins prescripteurs;
- les compétiteurs et les tendances qu’affichent leurs entreprises;
- le contrat de franchise : y en a-t-il un, et si oui, quelles en sont les modalités;
- l’équipe de gestion;
- l’immeuble est-il loué ou non;
- l’état des locaux et de l’équipement, et à quel point il faudra y investir.
Évaluation de l’acquisition
À la lumière de ces facteurs, vous devrez préparer une estimation préliminaire de valeur, en commençant par les bénéfices avant intérêts, impôts et amortissements (BAIIA). Fondé sur les états financiers relatifs au fonctionnement de la pharmacie, cet indicateur donne une bonne idée des flux de trésorerie que celle-ci peut générer annuellement, avant que n’entrent en ligne de compte le financement de l’acquisition et les incidences fiscales de celle-ci.
Puis, ajustez (ou normalisez) les BAIIA en fonction des éléments que vous avez initialement qualifiés de risques ou de possibilités afin d’obtenir les flux de trésorerie auxquels vous pourriez raisonnablement vous attendre à titre de propriétaire (par opposition à ceux du propriétaire actuel). Justifient un tel ajustement, par exemple, les dépenses propres au propriétaire actuel, comme un bail automobile, un salaire excédant la norme du marché ou des dépenses qui ne reflètent pas les changements envisagés (p. ex., renouvellement de bail).
L’estimation des BAIIA (ou des flux de trésorerie) normalisés vous permet de faire votre estimation préliminaire de valeur. Normalement, le prix d’une pharmacie de détail sera fonction de la valeur de son fonds commercial, elle-même fondée sur un multiple des BAIIA normalisés. Autrement dit, sa valeur correspondra à une multiplication de ses flux de trésorerie annuels et durables. De plus, pour en arriver à un prix, la valeur des stocks et de certains autres éléments d’actif nécessaires au fonctionnement quotidien de l’entreprise est ajoutée à celle du fonds commercial.
Deux importants bémols
1) L’estimation des BAIIA normalisés n’est qu’un exercice parmi tant d’autres, qui – répétons-le – n’aboutit à rien de concret à cette étape.
2) Le multiple appliqué peut varier; il n’y a pas de multiple « universel » pour toutes les transactions de ce type.
Chaque cas est unique et présente ses propres risques et avantages. Qui plus est, ces derniers seront perçus différemment par chaque acquéreur potentiel, qui leur donnera des poids différents dans le calcul du prix.
Liste de contrôle pour la gestion d’une transaction
- Lettre d’intention
- Vérification diligente
- Conventions
- Clôture
- Considérations post-clôture
Les résultats de votre évaluation préliminaire vous plaisent : vous décidez d’acquérir la pharmacie. Pour ce faire, il vous faudra d’abord exprimer votre intérêt au vendeur afin de voir si vos attentes concordent. C’est le rôle que joue normalement la lettre d’intention.
Lettre d’intention – Dans cette lettre, vous décrivez « vos intentions » (votre offre) en quelques mots. D’ordinaire non contraignante, elle est ouverte à la négociation et comportera normalement, à tout le moins, un prix (généralement une somme correspondant au fonds commercial et aux stocks), la ventilation de ce prix en contreparties pécuniaire et non pécuniaire, le traitement du personnel actuel et les modalités de la passation de flambeau. La lettre d’intention s’articule sur les quelques informations que vous avez en main pour le moment.
Il vous faut également indiquer si votre offre vise les actifs d’exploitation de la pharmacie ou les actions de la société qui l’exploite. La question est complexe, mais en principe :
- l’acquisition d’actifs avantage souvent l’acquéreur sur le plan fiscal;
- l’acquisition d’actions avantage normalement le vendeur sur le plan fiscal.
Gardez ces deux options à l’esprit, et vos conseillers vous aideront à structurer le mieux possible votre transaction.
Vérification diligente
C’est à cette étape que vous recevrez les livres de l’entreprise, ce qui vous permettra d’évaluer la justesse de vos hypothèses initiales. La vérification diligente permet à l’acquéreur et à ses représentants de lever le voile et de voir si les apparences sont bel et bien garantes de la vérité. Ce processus ratissera plus ou moins large selon qu’il s’agit d’une vente d’actions ou d’actifs.
Côté exploitation, la vérification diligente visera :
- la teneur des prescriptions – volumes, tendances historiques, malaxage, contrats de soins de longue durée, prescription de méthadone, prescription de produits génériques ou de marque, etc.;
- l’efficacité – dotation, heures de travail, moyens technologiques;
- les programmes et incitatifs relatifs à la franchise;
- la gestion interne – risques liés au personnel clé;
- la clientèle;
- la concurrence actuelle et potentielle;
- les licences – prescriptions, responsables de produits et autres systèmes.
Côté finances, la vérification diligente a pour principal objet de vérifier la fiabilité des états financiers. Sur le plan fiscal, elle visera les vérifications de l’Agence du revenu du Canada, les nouvelles cotisations et les risques que la pharmacie en fasse l’objet à l’avenir.
Pour sa part, la vérification diligente juridique couvrira notamment le passif éventuel (réclamations, poursuites de créanciers) et les obligations contractuelles (bail, contrat de franchise). Enfin, l’évaluation des ressources humaines sera notamment axée sur les contrats d’emploi, leurs modalités, les droits aux vacances et l’ancienneté.
Devenir propriétaire n’est pas une mince affaire : il est essentiel que vous vous entouriez d’une équipe de conseillers chevronnés, dont un avocat et un comptable.
Conventions
Une fois la vérification diligente effectuée à votre satisfaction, il sera temps de rédiger les conventions d’achat-vente définitives, qui viendront compléter la lettre d’intention, en prévoyant notamment ce qui suit :
- la date anticipée de clôture de la transaction;
- la préparation de données financières à la clôture et de déclarations de revenus;
- l’ajustement du prix de vente en fonction des chiffres définitifs;
- l’indemnisation des parties et leurs déclarations et garanties respectives;
- les engagements de non-concurrence et de non-sollicitation du personnel et de la clientèle;
- le transfert du bail, l’engagement à faire l’acquisition de l’immeuble, etc.
Clôture
Puis, le jour de la clôture de la transaction, les actes juridiques sont signés, les fonds changent de mains et les consentements et avis nécessaires sont donnés. C’est aussi à ce moment que les stocks sont comptés et les lettres et contrats relatifs aux employés, mis à jour, modifiés ou signés.
Considérations post-clôture
La transaction est conclue. Que reste-t-il à faire?
Commencer à planifier l’intégration avant la clôture est gage d’une transition en douceur, un changement de direction devant s’envisager sous beaucoup d’angles. Si la transaction ne vise qu’une seule pharmacie, ce ne sera pas la même approche que si d’autres transactions devaient se conclure afin de gonfler le portefeuille d’établissements.
Vos conseillers peuvent vous aider à traiter tous les éléments devant être pris en compte avant la clôture pour que tout se déroule bien dès la première journée. Par exemple, ils peuvent vous aider à préparer un plan de communication pour informer la clientèle, les membres de l’équipe et les fournisseurs du changement de propriétaire et de votre vision pour l’avenir.
Vous pourriez aussi avoir besoin d’un plan de transition pour votre équipe de gestion. De même, vous devrez sans doute changer les accès aux systèmes et des façons de faire, revoir la chaîne d’approvisionnement, changer les signataires des comptes bancaires, réviser la gestion des comptes et modifier les couvertures d’assurance.
Pièges à éviter
Vous avez saisi l’occasion d’acquérir une pharmacie ou d’en démarrer une, et vous pensez avoir en votre possession tous les renseignements nécessaires pour éclairer votre décision. Mais ne vendez pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué : en vous laissant aveugler par la perspective d’une pharmacie, ou en vous préparant trop peu ou trop tard, vous vous exposez à un sérieux piège.
Prenez soin de ne pas vous attacher émotionnellement à une occasion en particulier. Maintenez une perspective rationnelle et pensez « affaires », puis décidez si le jeu en vaut la chandelle.
De plus, vous pourriez perdre du temps si votre évaluation est différente de celle du propriétaire, mais que vous ne disposez pas de l’expertise et des données vous permettant de démontrer le bien-fondé de vos chiffres. Qui plus est, une mauvaise planification et des problèmes d’intégration peuvent vite transformer le marché idéal en cauchemar. Veillez à vous entourer d’une équipe de conseillers chevronnés, minutieux et objectifs pour vous aider à réussir dans votre quête de propriété.
Se constituer en société ou non? Dans la partie trois de notre série Devenir propriétaire d’une pharmacie, nous abordons ce choix sous l’angle de la planification de la structure organisationnelle.