John est médecin de famille et gère un cabinet très prisé dans le sud de l’Alberta. En compagnie de son épouse Tiffany et de leurs trois enfants, il ne manque pas une occasion de voyager aux États-Unis. Ils ont l’habitude de séjourner au chalet familial à Flathead Lake, près de Whitefish, au Montana. Les parents de John, retraités et septuagénaires, ont acheté la propriété quand John était encore tout jeune. Le chalet est depuis ce temps un lieu de rassemblement familial pour accueillir enfants et petits-enfants. Malgré la bonne santé de ses parents, John a remarqué un certain ralentissement de la cadence à sa visite l’été dernier. À titre de liquidateur testamentaire de ses parents, John se préoccupe parfois des incidences fiscales de la succession de ses parents, principalement de la propriété au Montana étant donné que sa valeur a connu une importante hausse au fil des ans. La famille n’aborde pas souvent le sujet. D’ailleurs, même si aucun membre de la famille n’est citoyen américain, John a entendu dire qu’il pourrait y avoir des enjeux liés aux droits de succession pour les résidents du Canada qui détiennent une propriété aux États-Unis.
Pendant sa visite l’été dernier, il a également remarqué plusieurs propriétés en vente, ce qui a fait germer en lui l’idée d’acheter son propre chalet dans la région. Bien qu’il s’agisse d’un endroit idéal pour passer des vacances et d’un bon investissement pour ses parents, il n’est pas le moindrement au fait des incidences fiscales et des complexités liées à l’achat d’un bien immobilier aux États-Unis. C’est pourquoi il a des doutes à l’idée d’investir dans une propriété de vacances au sud de la frontière.
Obligations de production de déclaration de revenus aux États-Unis et critère de présence importante
John et sa famille ne seront pas tenus de produire une déclaration de revenus s’ils limitent la durée de leur séjour au chalet et qu’ils ne gagnent aucun revenu américain, car ils ne sont pas résidents des États-Unis et sont considérés comme des « étrangers non résidents » aux fins de l’impôt américain. En effet, en vertu des règles fiscales américaines, il faut répondre au « critère de présence importante » pour être considéré comme un « résident ». Ce critère se fonde sur le nombre de jours (y compris les jours partiels) passés aux États-Unis au cours des trois dernières années consécutives. Sont additionnés le total des jours passés aux États-Unis au cours de la dernière année civile, le tiers des jours passés dans l’année civile précédente et le sixième des jours passés deux années civiles plus tôt. Si la somme est égale ou supérieure à 183 jours, vous répondez au critère de présence importante des États-Unis et devez produire une déclaration de revenus.
En vertu des règles fiscales américaines, il existe une exemption en raison de liens plus étroits qui vous permet d’être considéré comme un étranger non résident si vous étiez présent aux États-Unis pendant moins de 183 jours lors de la dernière année civile et que vous aviez des liens plus étroits avec le Canada, notamment en y établissant votre domicile et en y détenant entre autres des véhicules, des effets personnels, des comptes bancaires et un permis de conduire tout au long de l’année. Pour que cette exemption s’applique, vous devez produire le formulaire 8840 Closer Connection Exception Statement for Aliens auprès de l’Internal Revenue Service (IRS) avant la date limite de la déclaration 1040NR U.S. Non-resident Alien Income Tax Return, qui est habituellement le 15 juin suivant l’année d’imposition.
Si vous avez passé plus de 182 jours aux États-Unis lors de la dernière année civile, vous pourriez tout de même demander votre statut de résident canadien en vertu de la Convention fiscale Canada-États-Unis. Vous devrez produire la déclaration 1040NR pour demander une exemption à la convention, mais pourriez tout de même être tenu de produire d’autres déclarations de renseignements à titre de résident des États-Unis. Une telle approche peut s’avérer complexe, exigeante et coûteuse. Un calcul minutieux du nombre de jours passés aux États-Unis chaque année est essentiel.
Conséquences fiscales de la vente d’une propriété de vacances aux États-Unis
Les étrangers non résidents sont encore tenus de payer de l’impôt américain sur l’appréciation d’un bien immobilier aux États-Unis en vertu de la Foreign Investment in Real Property Tax Act (FIRPTA). Certains États appliquent ce traitement fiscal et perçoivent leurs propres retenues d’impôt. À titre d’exemple, si les parents de John vendaient leur propriété au Montana, l’avocat ou le tiers convenu responsable de la vente serait tenu de retenir un montant équivalant à 15 % du produit brut de la vente et de le remettre à l’IRS au moment de la signature (ou 10 % pour les domiciles vendus à un prix inférieur à 1 M$ US), ainsi qu’un montant équivalent à 2,5 % du produit brut de la vente à verser à l’État du Montana.
Les parents de John devront tous deux produire une déclaration 1040NR et la déclaration de revenus de l’État du Montana pour déclarer le gain en capital réel sur la vente de leur bien immobilier. Ils recevront un remboursement de l’impôt retenu qui dépasse l’impôt à payer. Dans certains cas, si l’État n’effectue aucune retenue d’impôt, un individu peut recevoir un remboursement d’impôt du fédéral même s’il doit en verser à l’État. Cependant, l’impôt étatique doit être payé immédiatement, car le remboursement de l’IRS peut tarder plusieurs mois.
Demander un certificat de décharge pour réduire la retenue d’impôt à la source
Dans les cas où l’impôt américain à payer est inférieur aux retenues à la source, il est possible de réduire ou d’éliminer les retenues à la source en vertu de la FIRPTA sur les ventes de biens immobiliers en demandant et en obtenant un certificat de décharge de l’IRS avant la date de clôture de la vente. Vous pouvez le faire en produisant un formulaire 8288-B, Application for Withholding Certificate for Dispositions by Foreign Persons of U.S. Real Property Interests.
Même si vous demandez un certificat de décharge, vous devrez en tant qu’étranger non résident obtenir un numéro d’identification fiscal à la cession d’un bien immobilier aux États-Unis. Chaque propriétaire d’un bien immobilier doit produire sa propre déclaration de revenus américaine, car les couples non résidents n’ont pas le droit de produire une déclaration commune aux États-Unis. Pour obtenir un numéro d’identification fiscal individuel, vous devez produire le formulaire W-7 Application for IRS Individual Taxpayer Identification Number et le joindre au formulaire 8288-A, Statement of Withholding on Dispositions by Foreign Persons of U.S. Real Property Interests, ainsi qu’au chèque pour les retenues d’impôt sur le revenu afin que le paiement fasse l’objet d’un suivi adéquat grâce au numéro d’identification fiscal fourni. L’IRS enverra par la suite une confirmation du paiement et une copie estampillée du formulaire 8288-A que vous joindrez à votre déclaration de revenus 1040NR pour témoigner du versement des retenues à la source.
Demander un crédit pour impôt étranger au Canada
Les parents de John devront inclure le gain en capital réalisé sur la vente de leur propriété au Montana dans leurs déclarations de revenus des particuliers du Canada au cours de l’année où la vente a eu lieu. Pour déterminer le montant du gain en capital en dollars canadiens, il faut convertir le coût du bien immobilier au cours de change à la date d’achat et le produit de la vente au cours de change à la date de la vente. Cette conversion peut entraîner un gain ou une perte de change en plus d’un gain sur l’appréciation du bien immobilier.
Sur leurs déclarations de revenus canadiennes, les parents de John devraient recevoir un crédit pour impôt étranger en diminution de l’impôt canadien payable pour tout impôt américain payé au moyen de la déclaration 1040NR et des déclarations de revenus étatiques. Il est important pour eux de conserver des dossiers complets sur le prix d’achat initial et les coûts des améliorations apportées à la propriété pour la période au cours de laquelle ils sont propriétaires afin de calculer avec exactitude le gain en capital inclus dans les déclarations de revenus des particuliers des États-Unis et du Canada.
En outre, pour étayer le crédit pour impôt étranger sur leurs déclarations de revenus au Canada, les parents de John doivent également conserver des copies de tous les chèques envoyés à l’IRS. Dans plusieurs cas, il peut s’avérer nécessaire de demander un relevé auprès de l’IRS. Contrairement au Canada, l’IRS n’envoie pas systématiquement un relevé ou un avis de cotisation, à moins que le particulier n’en fasse la demande.
Droits successoraux aux États-Unis
Si les parents de John ne vendent pas la propriété de leur vivant et qu’ils la transfèrent plutôt à leurs enfants au moyen de leur testament1 , une cession réputée sera présentée sur leur déclaration de revenus au Canada. Il serait judicieux pour la famille de planifier en vue de cet impôt à payer et des moyens de le financer. Il pourrait aussi être nécessaire de payer des droits successoraux américains selon la juste valeur de marché du bien immobilier situé aux États-Unis au moment du décès. Par exemple, en supposant que la propriété des parents de John vaut 1,5 M$ US au moment où les droits successoraux deviennent exigibles, ces derniers s’élèveraient à environ 545 800 $ US, et ce, avant même de considérer la possibilité d’une exemption. L’exemption actuelle aux droits successoraux est de 12,06 M$ US. Le crédit unifié actuel s’élève à 4 769 800 $ US (2022), soit le montant pouvant être porté en diminution des droits successoraux à payer. Cependant, un résident canadien recevra uniquement une portion calculée au prorata de ce crédit unifié, selon la valeur du bien immobilier aux États-Unis en pourcentage de la valeur totale de ses biens immobiliers dans le monde. Plus important encore, le liquidateur testamentaire d’un résident canadien défunt doit déclarer les droits successoraux pour permettre à la succession de se prévaloir de ce nouveau plafond, car la législation nationale des États‑Unis prévoit seulement une exemption de base de 60 000 $ US pour les individus qui ne sont pas citoyens ou résidents. Si vous devez payer des droits successoraux américains, vous ne serez pas assujetti à une double imposition, puisqu’ils feront l’objet d’un crédit pour impôt étranger à l’encontre des impôts canadiens. Il pourrait également être possible de reporter les droits successoraux américains jusqu’au décès du conjoint (si le défunt est marié).
Par exemple, si le total des biens immobiliers des parents de John dans le monde s’élève à 5 M$ US, ils recevraient 30 % du crédit unifié, soit 1 430 940 $ US (1,5/5 x 4 769 800). Compte tenu des exemptions en vigueur, ce montant dépasserait largement les droits successoraux exigibles.
Le montant du crédit unifié varie selon la politique gouvernementale et les augmentations aux exemptions arriveront à échéance à la fin de 2025. Sans changement majeur, on prévoit qu’en 2026 les montants d’exemption des droits successoraux seront rétablis au niveau de 2017, soit 5 M$ indexé pour l’inflation (estimé à 6,6 M$ en 2026). Vous pouvez aussi prévoir des mesures nécessaires pour réduire ou atténuer votre fardeau fiscal entourant les droits successoraux.
En résumé, bien qu’être propriétaire d’une résidence aux États-Unis et y séjourner ajoute un niveau de complexité aux déclarations de revenus et à la planification successorale, prendre connaissance des enjeux et obtenir les conseils d’un professionnel chevronné qui saura vous éclairer peuvent rendre l’immobilier américain moins intimidant, vous offrir la paix d’esprit et simplifier le plaisir d’avoir un endroit au sud de la frontière où se réunir avec famille et amis.
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1. Notez que la Convention Canada-États-Unis en matière d’impôts procure uniquement des allègements à l’égard des droits successoraux américains. Les transferts intergénérationnels effectués du vivant peuvent engendrer l’impôt sur les dons, lequel n’est pas visé par les allègements de la Convention.